Page:Gaboriau - Le Dossier n°113, 1867.djvu/356

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solut d’en avoir le cœur net et de voir clair dans l’esprit de son frère.

Le moment était favorable, ils se mettaient à table pour déjeuner.

— Sais-tu, mon cher Gaston, commença-t-il, que jusqu’ici nous avons parlé de tout, sauf pourtant des choses sérieuses ?

— Diable ! Qu’y a-t-il donc, que tu prends une mine de procureur ?

— Il y a mon cher frère, que te croyant mort, j’ai recueilli la succession de notre père.

Un franc éclat de rire de Gaston lui coupa la parole.

— C’est là ce que tu appelles des choses sérieuses ?

— Certainement, je te dois compte de ta part de l’héritage ; tu as droit à la moitié…

— J’ai droit, interrompit Gaston, de te demander en grâce de clore ce chapitre. Ce que tu as est à toi, il y a prescription.

— Non, je ne puis accepter.

— Quoi ? la succession de notre père ? Non-seulement tu le peux, mais tu le dois. Notre père ne voulait qu’un héritier, soumettons-nous à ses volontés.

Et croyant apercevoir un nuage sur le front de son frère.

— Ah ça, ajouta-t-il gaîment, tu es donc bien riche ou tu me crois donc bien pauvre, pour insister ainsi ?

Louis tressaillit imperceptiblement à cette question à bout portant. Que répondre pour ne se point engager ?

— Je ne suis ni riche ni pauvre, fit-il.

— Moi ! s’écria Gaston, je serais presque ravi de te trouver plus pauvre que Job, pour partager avec toi tout ce que j’ai.

Le déjeuner était terminé. Gaston jeta sa serviette et se leva en disant :

— Viens !… je veux toujours te faire visiter ma… c’est-à-dire notre propriété.

Tout en suivant son frère, Louis était aussi tourmenté que possible. Il lui semblait que Gaston fuyait avec une