Page:Gaboriau - Le Dossier n°113, 1867.djvu/428

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Ç’a été dur ? demanda-t-il avec un sourire.

— Je te défends, s’écria Raoul hors de soi, je te défends, entends-tu bien, de me reparler de cette soirée. Je veux l’oublier…

À cette explosion de colère, Clameran haussa imperceptiblement les épaules.

— À ton aise, prononça-t-il d’un ton goguenard, oublie, mon beau neveu, oublie. J’aime à croire, cependant que tu ne refuseras pas de prendre, en manière de souvenir, ces 350,000 fr. Garde-les, ils sont à toi.

Cette générosité ne sembla ni surprendre ni satisfaire Raoul.

— D’après nos conventions, dit-il, j’ai droit à bien davantage.

— Aussi, n’est-ce qu’un à-compte.

— Et quand aurai-je le reste, s’il vous plait ?

— Le jour de mon mariage avec Madeleine, mon beau neveu ; pas avant. Tu es un auxiliaire trop précieux pour que je songe à me priver de tes services, et, tu sais, si je ne me défie pas de toi, je ne suis pas tout à fait sûr de ton affection sincère.

Raoul réfléchissait que commettre un crime et n’en tirer aucun profit serait aussi par trop niais. Venu avec l’intention de rompre avec Clameran, il se décidait à n’abandonner la fortune de son complice que lorsqu’il n’aurait plus rien à en espérer.

— Soit, fit-il, j’accepte l’à-compte, mais plus de commissions comme celle de ce soir ; je refuserais.

Clameran eut un éclat de rire.

Bien, répondit-il, très-bien. Tu deviens honnête, c’est le bon moment, puisque te voici riche. Que ta conscience timorée se rassure, je n’aurai plus à te demander d’insignifiants services de détail. Rentre dans la coulisse, mon rôle commence.