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Raoul le gênait ; il se jura que, de façon ou d’autre, il se débarrasserait de ce complice devenu si gênant.

Pourtant, se défaire de Raoul, si défiant, si fin, n’était pas chose aisée. Mais cette considération ne pouvait faire réfléchir Clameran. Il était aiguillonné par une de ces passions que l’âge rend terribles.

Plus il était certain de la haine et du mépris de Madeleine, plus, par une inconcevable et cependant fréquente aberration de l’esprit et des sens, il l’aimait, il la désirait, il la voulait.

Cependant, une lueur de raison éclairant encore son cerveau malade, il décida qu’il ne brusquerait rien. Il sentait qu’avant d’agir il devait attendre l’issue de l’affaire de Prosper.

Puis, il souhaitait revoir Mme  Fauvel ou Madeleine, qui, croyait-il, ne pouvaient tarder à lui demander une entrevue.

Sur ce dernier point, il se faisait encore illusion.

Jugeant froidement et sainement les derniers actes des deux complices, Madeleine se dit que, pour le moment, ils n’iraient pas plus loin.

Elle comprenait à cette heure que la résistance n’eût certes pas été plus désastreuse qu’une lâche soumission.

Elle se résolut donc à assumer la pleine et entière responsabilité des événements, assez sûre de sa bravoure pour tenir tête à Raoul aussi bien qu’à Louis de Clameran.

Mme  Fauvel résisterait, elle n’en doutait pas, mais elle se proposait d’user, d’abuser à la rigueur de son influence, pour lui imposer, dans son intérêt même, une attitude plus ferme et plus digne.

C’est pourquoi, après la demande de Clameran, les deux femmes, décidées à attendre leurs adversaires, à les voir venir, ne donnèrent plus signe de vie.

Cachant sous une indifférence assez bien jouée le secret de leurs angoisses, elles renoncèrent à aller aux renseignements.

Par M. Fauvel seul, elles apprirent successivement le