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Me croyez-vous homme à me contenter de propos en l’air ?

Il sortit de sa poche divers papiers ornés de timbres officiels qu’il posa sur la table.

— Voici, poursuivit-il, les déclarations de la fermière, de son mari et de quatre témoins ; voici encore un extrait du registre des naissances, voici enfin un acte de décès en bonne et due forme, le tout est légalisé par l’ambassade française. Êtes-vous content mon joli garçon, vous tenez-vous pour satisfait ?

— Mais alors ?… interrogea le banquier.

— Alors, reprit M. Verduret, Clameran s’imagina qu’il n’avait pas besoin de l’enfant pour tirer de l’argent de Mme  Fauvel ; il se trompait. Sa première démarche échoua. Que faire ? Le gredin est inventif. Parmi tous les bandits de sa connaissance, — et il en connaît un certain nombre ! — il choisit celui que vous voyez devant vous.

Mme  Fauvel était dans un état à faire pitié, et cependant elle renaissait à l’espérance. Son anxiété, pendant si longtemps, avait été si atroce, qu’elle éprouvait à voir la vérité comme un affreux soulagement.

— Est-ce possible ! balbutiait-elle, est-ce possible !

— Quoi ! disait le banquier, on peut à notre époque combiner et exécuter de telles infamies !

— Tout cela est faux ! affirma audacieusement Raoul.

C’est à Raoul seul que M. Verduret répondit :

— Monsieur désire des preuves ? fit-il avec une révérence ironique, monsieur va être servi. Justement, je quitte à l’instant un de mes amis, M. Pâlot, qui arrive de Londres, et qui est fameusement renseigné. Dites-moi donc ce que vous pensez de cette petite histoire qu’il vient de me conter :

Vers 1847, lord Muray qui est un grand et généreux seigneur, avait un jockey nommé Spencer, qu’il affectionnait particulièrement.

Aux courses d’Epsom, cet habile jockey tomba si malheureusement qu’il se tua.