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« Ne pleure pas la défection de don Rafael, disait don Mariano en essayant de tarir la source des larmes de sa fille ; il mentait à sa maîtresse comme il mentait à son pays. »

Et, chose étrange aux yeux du père ! les larmes de sa fille n’en coulaient que plus abondantes et plus amères.

Cependant, telle était l’affection que don Mariano avait jadis vouée à ce jeune officier, tels étaient les trésors de tendresse entassés dans le cœur de Gertrudis, que sans doute, en se présentant à l’hacienda le front haut et resplendissant de l’orgueil du devoir accompli, la franchise de son regard et la loyauté de ses paroles eussent dissipé bien des nuages.

Malheureusement le sort avait décidé que don Rafael ne franchirait plus, du moins comme ami, le seuil hospitalier de las Palmas.

Le capitaine avait été signalé dans la contrée comme un des ennemis les plus acharnés de l’insurrection, et, quoiqu’il n’y eût pas plus d’une lieue de distance entre les deux domaines del Valle et de las Palmas, don Rafael avait jugé prudent de se faire accompagner dans le trajet par une demi-douzaine de ses cavaliers.

La précaution n’était pas inutile, comme on va le voir.

Après avoir franchi la chaîne de collines dont le sommet, nous le rappelons, dominait les terrasses du bâtiment, don Rafael et son escorte se présentèrent à la porte qui servait jadis de sortie sur ce côté. Cette porte était récemment murée, et don Rafael se mit en devoir de faire le tour de l’hacienda pour se présenter devant la grande entrée de l’esplanade ; mais à peine avait-il doublé l’un des angles du bâtiment que sa petite troupe se vit tout à coup cernée par une dizaine de cavaliers à figures féroces.

« Mort au traître ! mort au coyote[1] ! »

  1. Chacal. C’est ainsi que les insurgés désignaient les Espagnols.