Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/306

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faisons jamais mettre un prisonnier à mort sans le faire confesser, plus son supplice est long, plus longtemps dure sa confession. Or, il résulte de là qu’après des souffrances et une confession très-prolongées, le prisonnier meurt en état de grâce et va tout droit au ciel ; et, comme les saints élus n’ont plus de rancune, ils prient tous pour nous. Ma femme dit que nous devons en faire le plus possible, de ces bienheureux.

— Eh, eh ! vous n’en avez déjà pas mal fait, reprit Bocardo avec un sourire de satisfaction, et le bon Dieu doit en avoir les oreilles rebattues…

— Silence, seigneur colonel des colonels ! s’écria Arroyo d’un ton qui fit taire incontinent le bandit qui s’arrogeait ce titre pompeux ; je déteste les blasphémateurs

— Soit. J’en reviens donc aux vertus de Mme Arroyo, en dépit desquelles elle n’est ni jeune ni précisément très-belle.

— Allons, dites qu’elle est vieille et laide, et n’en parlons plus ! s’écria brusquement Arroyo ; et cependant j’y tiens beaucoup.

— C’est étonnant !

— Écoutez, mon cher, c’est moins étonnant que vous ne pensez. Elle partage avec moi le poids de l’exécration publique, et, si j’étais veuf…

— Vous le porteriez tout seul. Bah ! vous avez les épaules si larges !

— C’est vrai, repartit Arroyo, flatté de ce compliment ; mais je tiens également à vous au même titre qu’à ma femme, ajouta-t-il. Il est rare qu’on maudisse le nom d’Arroyo sans qu’on y mêle le vôtre.

— Il y a tant de méchantes langues dans ce monde !

— Et puis ma femme a encore une autre vertu à mes yeux : elle possède un scapulaire bénit par le pape à Rome, et qui a la propriété de faire mourir le mari quelques jours après la femme.