Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/307

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Aussi je ne vous dis pas de la tuer, cette digne Mme Arroyo, ajouta Bocardo, amené à partager malgré lui les superstitions grossières de son associé. Seulement on l’envoie dans un couvent de repenties s’occuper de son salut et de celui de son mari, et l’on prend, pour la remplacer, quelque jeune et jolie femme avec des yeux et des cheveux noirs comme la nuit, des lèvres roses comme la grenade, et des joues plus blanches que la fleur du floripondio[1]. Voilà ce que je me tue à vous faire comprendre depuis deux heures.

— En connaissez-vous de semblables, vous ? demanda le guerillero après un moment de silence qui prouvait que la persuasion commençait à entrer dans son âme.

— Vous en connaissez une comme moi ! s’écria Bocardo : la maîtresse de l’hacienda de San Carlos, que nous pouvons prendre en un tour de main.

— Dona Marianita Silva.

— Précisément.

— Mais, con mil demonios ! vous voulez donc que nous ne laissions pas une hacienda sans la mettre à sac ? s’écria Arroyo ; car, si vous désirez que je m’empare de la femme, c’est pour que vous puissiez piller le mari.

— Le mari est Espagnol, reprit Bocardo sans répondre aux paroles de son associé, qui n’exprimaient que la vérité touchant le but de ses insinuations. Beau malheur, vraiment, de prendre la femme d’un coyote !

Caramba ! cet Espagnol est aussi bon insurgé que vous. Il nous a fourni des vivres et des chevaux

— Oui, par frayeur, comme le diable loue les saints. Comprenez donc bien qu’on n’est jamais bon insurgé avec des tas de sacs de piastres dans ses coffres, de l’argenterie plein ses buffets et une jolie femme à ses côtés, se hâta d’ajouter Bocardo, pour dissimuler sous ce dernier prétexte, ses véritables intentions. Voyez-

  1. Datura.