Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/321

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pourrais bien m’apprendre ce que tu me fais espérer depuis longtemps, c’est-à-dire le moyen d’amener la carte dont on a besoin pour gagner un albur[1]. J’ai précisément dans ma poche un jeu tout neuf.

— C’est plus facile avec un jeu tout vieux ; mais, comme je tiens à t’être agréable, et que, comme tu le dis très-judicieusement, ce colonel du diable est introuvable, je me rends à ta prière, mais pour un instant seulement.

— Sans doute, le temps de battre les cartes. »

Les deux insurgés s’assirent sur la mousse, à un endroit où la lune jetait une vive clarté ; Pépé Lobos tira son jeu de cartes de sa poche, et la leçon commença. Elle se prolongea de telle sorte, par l’ardeur du maître et la docilité de l’écolier, que le colonel eut le temps de faire, entre ses deux branches, tous les rêves dont il plut à son imagination de le bercer, avant qu’ils songeassent à interrompre son sommeil.

Déjà, depuis longtemps, deux autres des batteurs de bois usaient, à l’égard de don Rafael, d’une courtoisie toute semblable.

« Ainsi, Suarez, avait dit le premier de ces deux hommes au second, c’est bien cinq cents piastres, n’est-ce pas, que promet le capitaine à qui lui livrerait le colonel vivant ?

— Oui, cinq cents piastres, et c’est une belle somme.

— Et, au cas où l’on se ferait casser un bras ou une jambe sans réussir à le prendre, le capitaine a-t-il promis quelque chose ?

— Pas que je sache. Si cependant on lui apportait un certificat en règle…

— Du colonel ?

— Sans doute.

— Écoute, ami Suarez, tu as de la famille et moi je suis garçon, et je croirais te faire tort en t’enlevant l’oc-

  1. Coup au jeu du monte, sorte de lansquenet.