Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/412

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dis ; car, si cette preuve était de celles qu’on ne saurait récuser, j’en mourrais de bonheur ! Pauvre père ! ajouta-t-elle avec un sanglot et en jetant ses bras autour du cou de don Mariano ; pauvre père ! qui, de toute façon, ne vas bientôt avoir qu’un seul enfant. »

À cette douloureuse exclamation, don Mariano sentit son cœur se briser, et il ne put que mêler de sourds gémissements et d’abondantes larmes à celles de sa fille. Non loin d’eux, le centzonthé[1] répétait leurs sanglots d’une voix mélancolique.

En ce moment, la lune, dégagée du voile de nuages qui la couvrait, se montrait pleine et radieuse, et tout semblait se ranimer sous le flot de lumière blanche qu’elle lançait sur la solitude. La forêt devenait moins sombre ; des flancs aigus du Monapostiac s’échappaient des lueurs transparentes et verdâtres comme les vagues d’une mer agitée. La surface du lac se colorait de teintes blafardes ; des formes noires et hideuses, semblables à celles des alligators[2], s’allongeaient dans les roseaux, puis une rumeur sourde et vague se fit entendre dans les fourrés voisins.

Un frisson de terreur passa sur le corps des quatre domestiques, immobiles et les yeux fixés devant eux sur le lac.

« N’avez-vous rien entendu ? » dit Zefirino à voix basse.

Tous écoutèrent en pâlissant. On eût dit, en effet, qu’une voix humaine, quoique indistincte, s’élevait du fond des roseaux en bizarres et lointaines cadences.

Mais la voix se tut assez tôt pour que chacun crût s’être trompé et avoir pris pour la voix de l’homme les rumeurs vagues du bois.

« C’est égal, dit l’un des domestiques, je voudrais bien

  1. L’oiseau moqueur.
  2. Caïmans.