Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/432

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derrière les roseaux, que, du plus épais des fourrés, on vit surgir la blanche apparition que le capitaine contemplait encore en frémissant.

À l’aspect de cette soudaine vision, l’œil de l’intrépide Costal brilla d’un éclair de triomphe. Il saisit d’une main le bras de son compagnon.

« Les temps sont venus, dit-il, la gloire des caciques de Tehuantepec va renaître : voyez ! »

Il montrait de l’autre main la chevelure noire flottant comme une mantille sur la robe couleur de floripondio, que la lune éclairait au milieu des roseaux.

« C’est Matlacuezc, » répondit le nègre à voix basse.

Et, quoique son cœur battît à coups redoublés dans sa poitrine, Clara ne laissa pas deviner la terreur secrète qu’il éprouvait en face de la divinité des eaux qui se montrait enfin à lui.

Tous deux descendirent doucement des flancs du rocher dans l’eau et se mirent à la nage.

À ce moment, la blanche apparition disparut, et les deux aventuriers la perdirent de vue, quoique le capitaine, du haut de l’arbre qu’il occupait, continuât à l’apercevoir tapie derrière la frange verte des glaïeuls du lac.

Mais l’Indien savait où se diriger, et son bras vigoureux fendait les eaux si rapidement, que le nègre, quelques efforts qu’il fît, restait à dix nagées derrière lui.

Bientôt le capitaine Lantejas, tout en frémissant du courage surhumain de Costal, le vit étendre les mains pour saisir la déesse des eaux, quand une voix s’écria :

« Pas au nègre ! au meurtrier du Gaspacho d’abord ! »

Un coup de fusil sillonna le lac. Don Cornelio perdit de vue le nègre et l’Indien qui venaient de plonger ; mais, à la place qu’abandonnait Costal, il vit les roseaux frémir et s’agiter. Il entendit comme un léger cri d’agonie ; les glaïeuls cessèrent de bruire et le cri s’éteignit.