Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/446

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Le capitaine entendit qu’il l’appelait, et courut vers lui ; il était sur son séant, les yeux égarés, la bouche béante.

« Morte ! morte !… s’écria-t-il.

— Espérez ; cet homme se trompe peut-être, dit le capitaine…

— Morte ! vous dis-je » ; et, après une courte pause, sa figure redevenant calme : « Que puis-je d’ailleurs espérer de mieux ? ajouta-t-il ; elle a échappé aux outrages, et je vais mourir aussi. Allez, mon ami, la mort est pour moi plus douce que la vie ; elle va me réunir à celle que j’aimais plus que moi-même. »

Et, comme ces moribonds qui s’arrangent pour mourir, le jeune homme reposa doucement sa tête sur son oreiller et ramena d’une main jusqu’à ses yeux la couverture qui l’enveloppait ; puis son autre main arrangeait avec soin une place à côté de lui, comme s’il eût voulu préparer la couche funèbre de celle qu’il ne devait plus revoir.

Don Cornelio courut rejoindre Costal, et l’entraînant vers le lac :

« Venez ! lui dit-il, et vous verrez ! »

Tous deux se rendirent à l’endroit d’où était parti le cri.

Une robe blanche déchirée par les ronces, souillée de sang et d’un limon verdâtre, enveloppait comme un linceul, le corps inanimé d’une jeune femme, que les Indiens avaient déposé sur un lit de roseaux ; quelques feuilles vertes, qui débordaient sa tête comme une couronne funéraire, composaient sa dernière parure.

« Elle est belle comme la déesse des eaux ! dit Costal. Pauvre don Mariano, acheva-t-il en reconnaissant la victime, il est là-bas bien loin de penser qu’il n’a plus qu’une fille ! »

Et il s’éloigna la tête baissée et tout rêveur ; le capitaine le suivit.