Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/456

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sang après la victoire ; aussi lui envoya-t-il une mort glorieuse et presque douce, tant elle fut rapide. Il lui accorda aussi la consolation d’entrevoir, à son dernier moment, le vague contour du lieu qui l’avait vu naître.

« Le même sort n’était pas réservé à Morelos.

« Galeana, dont la lance et l’épée n’avaient jamais frappé que sur le champ de bataille, devait, quand son heure fut venue, y terminer noblement sa vie et mourir de la même mort que celle qu’il avait tant de fois donnée à ses ennemis.

« Morelos, au contraire, qui si souvent avait abusé de la victoire envers ses prisonniers, devait à son tour connaître l’une après l’autre toutes les angoisses et toutes les tortures qu’inflige au vaincu le vainqueur sans pitié.

« Prisonnier lui-même à l’affaire, de Tesmaluca[1], il fut traîné de prison en prison, les fers aux pieds, jugé par le tribunal de l’inquisition, et condamné, comme prêtre rebelle et dissolu, à être passé par les armes, dégradé enfin des ordres sacrés ; il écouta toutefois sa sentence avec calme, et sa bravoure et sa grandeur d’âme ne se démentirent pas un seul instant. Mais sa mort physique, si je puis m’exprimer ainsi, fut plus cruelle que sa mort morale. Atteint d’abord de quatre balles qui le renversèrent, il jeta un cri horrible, se releva pour retomber aussitôt, et ses membres, qui frappaient convulsivement la terre après la seconde décharge, indiquaient combien son agonie était affreuse et quelle terrible expiation Dieu lui réservait pour sa dernière heure. »

En prononçant ce jugement sévère, mais impartial, le bon chanoine baissait la tête comme si son cœur eût gémi des aveux que lui arrachait sa conscience en parlant de son général bien-aimé. Mais, se redressant bientôt sur son siége, il s’écria d’une voix ferme :

  1. 15 novembre 1815.