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À Turin mes plaies se rouvrirent comme au départ d’Hautecombe. Je quittais celui qui m’avait, pour ainsi dire, porté jusque-là de sacrifice en sacrifice ; dom Lémeinc allait à Milan, et moi, je restais à Turin, gagné par les sollicitations de mon frère, ancien secrétaire de l’ambassade française à la cour de Sardaigne. Notre position nous rendait nécessaires l’un à l’autre : il était sans emploi, et n’avait pour fortune que de la littérature. Je l’engageais à professer les langues qu’il savait. Grâce à lui, celle du Dante me devint familière, et dès-lors, je m’attachais en qualité d’instituteur à une noble famille piémontaise. Malgré les attentions, les soins, les prévenances, je ne pouvais oublier le cloître ; dans les salons dorés, je regrettais mes paysages et ma liberté ; j’étais le Juif de Babylone, qui, le regard tourné vers le côté du ciel où le soleil se couchait, se disait chaque jour en pleurant : Jérusalem est là.

Le besoin de respirer la patrie m’avait