Page:Gache - Le Dernier Jour du monastère d’Hautecombe.pdf/180

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 169 —

Vous seul avez versé l’onde au bord du sentier,
Sous les touffes d’érable, et les fleurs d’églantier,
Sous les bras du vieux tronc couronné d’ombre immense,
Fréquenté de l’oiseau dès que l’été commence ;
Là, penché vers la source, il boit sa goutte d’eau,
Et de son aile ouverte humecte le rideau.

Mais l’aigle n’y vient pas ; au creux de son repaire,
Il boit le sang qui sort des chairs de la vipère,
Fait sentir à l’aiglon leur sympathique odeur
Et respirer du sang l’héréditaire ardeur.
De l’angle du rocher contemplant son empire,
Il demande au soleil le regard qui l’inspire. :
Dans ce miroir de feu sa prunelle se plaît ;
La foudre est sa lumière et le sang est son lait ;
Comme une voile il tend l’aile sur l’ongle avide,
Plonge, et des champs de l’air bat le sonore vide,
Enlève comme un trait sa victime au vallon,
Lutte avec l’ouragan,joue avec l’aquilon.
Mais le petit oiseau fait son nid sur la terré,
Et se cache aussitôt que la foudre l’atterre :
Dans le divin palais par lui-même arrondi,
Tissé d’un fin duvet sous sa plume attiédi,
Balancé par le vent sur les fleurs d’aubépine,
De l’enfant seul il craint la folâtre rapine.

Le sort m’a vite pris ces jours si loin de moi
Où dans un nid d’oiseau ma main mettait l’émoi