Page:Gagne - L’Anémone du Colisée, 1865.djvu/3

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Sur ce sol dépouillé par de pieuses mains,
Et qu’ont foulé les pas de tant de pèlerins,
Nous avons découvert une blanche anémone
Tremblante comme un lis aux premiers vents d’automne
De ses feuilles, plaisant à l’œil par leur fraîcheur,
Un rouge fugitif étoilait la blancheur :
On eût dit que de sang une larme imprégnée
L’avait, en l’effleurant, légèrement baignée !
Notre main la saisit dans un élan fiévreux,
Et l’emportant ainsi qu’un trésor précieux
À l’abri d’un vieux mur dont la base chancelle,
Nous courûmes causer seule à seule avec elle.
Heureuse, il nous semblait que cette sainte fleur,
Charmante, sous sa rose et mystique pâleur.
Dans un style brillant comme l’or ou la moire,
Allait nous raconter quelque divine histoire.

« Belle et chère anémone, on a dit que tes sœurs
Ont au sang d’Adonis emprunté leurs couleurs ;
Qui sait si toi, peut-être encor plus fortunée,
Du pur sang d’un martyr un jour tu n’es pas née ?
Dans ton calice clos mystérieusement.
Et qui sous le regard se voile chastement,
D’un immortel bonheur nous cherchons la promesse :
Nous cherchons la parole empreinte de sagesse,
Qui forçant notre vie aux actes courageux,
Nous trace les sentiers du séjour bienheureux. »

Tandis que nous parlions, la fleur blanche et sereine,
Qu’avec un saint respect caressait notre haleine,
À ce brûlant contact s’ouvrait visiblement.
Nous osâmes alors la prier ardemment
De nous dire qu’ainsi que le sanglant martyre,
Le sacrifice achète aux âmes qu’il déchire