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le fort et le château saint-louis

donna plusieurs ordres avec une parfaite tranquillité : ce grand Roi approchant de sa fin, fit appeler tous les Princes et toutes les Princesses du sang, leur parla d’une manière fort touchante, loua ce qu’il y avait remarqué de bon, et les exhorta à la vertu avec des termes si pressants, si tendres que chacun d’eux fondait en larmes ; on fit entrer la Duchesse de Ventadour, avec le Dauphin dont elle était gouvernante ; elle le plaça à genoux au pied du lit du Roi, qui lui donna sa bénédiction, et qui ensuite le fit asseoir sur son lit, et lui recommanda ses peuples avec beaucoup d’affection, et lui donna plusieurs avis pour les bien gouverner, et accompagna son discours de tout ce qui pouvait les graver dans le cœur et dans la mémoire de ce jeune Prince, qui aussi l’écouta avec une grande attention, et d’un air si touché que, quoiqu’il n’eût que cinq ans et demi, il montra que sa raison devançait son âge. Il regarda toujours fixement le Roi, et sans jeter aucun cri, les larmes tombaient de ses yeux. Après qu’il eut reçu les instructions nécessaires, on craignit que sa présence n’attendrit trop cet illustre mourant, qui paraissait seul paisible dans un temps où la consternation saisissait tous les assistants ; on remporta le Dauphin, et le Roi ne pensa plus qu’à mourir. Il s’entretint dans ces bons sentiments, et conserva une parfaite connaissance jusqu’à la nuit qui précéda son décès. Son corps fut exposé plusieurs jours avant d’être porté à Saint-Denis où il fut enterré : ses entrailles furent portées à Notre-Dame de Paris, et son cœur donné aux Jésuites de la Maison professe à qui Louis XIII avait aussi donné le sien. Dieu avait préparé à la mort ce grand Prince par des afflictions bien cuisantes, les dernières années de sa vie, d’autant plus sensibles qu’il n’avait eu que des succès et des prospérités