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XXI



IL était toujours vagabond, le fantôme aux mains moites et tièdes.

Il allait, du camp au chantier forestier, de la drague aux plantations de cannes à sucre, cherchant quelque chose qu’il ne pouvait trouver. Il était comme un jeune tigre en quête d’un nouveau domaine de chasse, n’ayant ni but ni méthode dans sa vie errante.

Sa vie ressemblait à la nôtre, comme l’ombre ressemble à l’objet.

Il venait à la hutte abandonnée dont Marthe avait fait sa cabine pour le bain.

Assis sur le tronc de wacapou, qui formait une sorte de plancher dans la boue et sur lequel les ibis rouges s’alignaient au crépuscule, il attendait la nuit, flairant l’air, comme s’il respirait le parfum que le corps nu de Marthe laissait là chaque soir.

J’aurais voulu l’interroger, et je craignais je ne sais quel aveu monstrueux.

Les ibis venaient de s’enlever d’un même vol, obéissant à un signal mystérieux.

La surface du lac et la ligne sombre de la forêt lointaine étaient d’une solitude préhistorique. La vie apparaissait comme immobilisée par la