Page:Galmot - Un mort vivait parmi nous, 1922.djvu/127

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allait faire pour bondir sur moi, et j’étais sans force. La frayeur de la bête humaine me possédait.

La pleine lune rouge levée au-dessus du marais inondait la terre d’une lumière blafarde. On entendait, venant entre les rangs pressés des cocotiers géants, d’étranges bruits, très doux, comme s’ils étaient produits par des pieds ouatés ou des ailes palpitantes.

Marcellin, un couteau à la main, courait maintenant sur moi, les yeux fous, poussant des cris inarticulés. Ce n’était plus un homme, mais un démon. Il s’élançait, tombait, se frappait le visage et les bras.

Je fuyais…

Il courait en titubant comme un homme ivre. J’aurais pu le désarmer sans effort, mais la peur m’aveuglait, la peur de cette démence.

Soudain, il tomba sur les genoux, comme une bête blessée. Il avait l’épaule gauche déchirée ; il râlait et grattait le sol de ses mains. Tandis que je le traînais vers le ruisseau, la trace qu’il laissait formait un chemin de sang. Je lavai le sang qui ruisselait de ses mâchoires entre lesquelles pendait la langue cruellement mordue et gonflée.

Il était trop grand et trop lourd pour le charger sur mes épaules. Je le laissai accroupi au pied du rocher où la folie était venue pour lui.