Page:Galmot - Un mort vivait parmi nous, 1922.djvu/170

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


XXXVI



JE me rappelle son petit visage de jeune fille, et ses cheveux blonds noués très bas sur la nuque. Elle me souriait. Une vie intense débordait de son sourire…

Pierre Deschamps parle, appuyé à mon bras. Il est très pâle, et parfois il s’arrête au bord du sentier, sur un arbre mort, pour reposer sa jambe malade. Il est si faible qu’un souffle du vent le renverserait. La fièvre a creusé profondément ses joues. Ses yeux sont comme une eau brillante au fond d’une caverne.

Décharné, prêt à défaillir, il garde au fond des orbites une lumière où se concentre toute sa vie. Un feu intérieur brûle en lui, il parle avec animation.

— Le jour du mariage, le cortège passait entre des haies de lilas blancs. Sa main menue tressaillait dans la mienne… La maison où nous avons vécu était tapissée de vigne vierge… Nous étions comme des oiseaux dans une cage fleurie. Un jour, je résolus de partir ; une force me poussait. Je ne pouvais plus rester à la même place. Je l’aimais, et cependant je devais la quitter.

Le sentier est une pente raide et glissante. Ce pays est une série de bosses dont l’une commence