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XLII



A l’aube, les branches d’un palétuvier incline sur la rivière étalent un immense parasol très bas sur nos têtes. L’air est si calme que les mouches dorées semblent suspendues comme des points d’or, çà et là autour de nous.

Une béatitude de bêtes repues nous vient du sommeil encore mal dissipé. Il y a, aux extrémités des branches, des liserons mauves et roses qui pendent sur la rivière comme une voilette au front d’une femme.

Soudain, les feuilles mortes sur le sol s’entr’ouvrent, et deux yeux apparaissent au ras de terre, deux grands yeux ouverts d’une intensité d’expression presque humaine, qui montent comme soulevés du sol, et qui nous regardent et nous fixent.

Ces yeux exorbités, aux paupières lourdes, appartiennent à un être d’épouvante, à une boule énorme, à une outre de peau flasque, couverte d’écaillés vertes et violacées, qui se gonfle lentement.

Quand il est dressé sur ses pattes invisibles, le crapaud-bœuf oscille lourdement.

Les yeux qui fixent mon regard sont doux et