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Les bras tordus, souffrant cruellement, l’Indien supplie le Silence et le Vent.

Tout près de moi, blotti, les dents secouées par la fièvre :

— Ne m’abandonne pas, dit-il.

Mais la voix de la jungle se fait plus grande encore et domine le monde. Dans la nuit chaude, elle vient comme un chant de sirènes :

— Il est là…, disent les arbres. Les hommes du placer étaient comme un parti de singes rouges après la mort du chef ; ils erraient à l’aventure, silencieux, çà et là. Et maintenant…

Un peu de vent se lève, et voici que le jardin s’anime. Les hortensias desséchés et flétris se dressent, les lotus blancs endormis sur l’eau mate étendent à nouveau leurs larges feuilles vertes et les roses frémissent.

Le village abandonné, accroché en terrasses à la colline, vide, seul et délabré comme un bourg après un tremblement de terre, frissonne et s’éveille à la vie. Des voix courent ; des ombres apparaissent sur le pas des portes ; des voix de femmes, des chants, des rires d’enfants…

D’où vient cette vie ? Les hauts panaches des cocotiers s’éploient au vent comme des chevelures dorées ; des tourbillons d’oiseaux éclatants passent très haut sur la jungle. La brume du marécage gagne lentement les profondeurs de la forêt, entraî-