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LIV



AU fond de l’ombre opaline, une pirogue s’avançait lentement ; elle se dessina enfin, toute blanche et comme enveloppée de brume, laissant apparaître les silhouettes des pagayeurs noirs. L’épuisement des hommes était tel que les courtes rames s’enfonçaient à peine dans l’eau, sans troubler le silence. L’embarcation montait si mollement qu’on l’aurait crue chargée à couler et flottant sur une vase résistante.

Comme la pirogue touchait la berge, Marcel se leva ; il fit un effort pour escalader les bancs et tomba sur les genoux. Marchant sur les mains, il rampa, et, parvenu sur la terre gluante, ne put se relever, comme si ses mains et ses genoux adhéraient au sol. Il avait la tête enveloppée d’un linge, le buste nu ; le pantalon n’était plus qu’une loque ; il était nu-pieds.

Un à un, les hommes également décharnés et dépenaillés sortirent de l’embarcation.

Puis, une ombre encore apparut sur l’eau mate. Pierre Deschamps, Marthe et l’Indien descendirent de la deuxième pirogue. Le Peau-Rouge, portant dans ses bras la jeune femme, glissa sur le sol humide et s’abattit. Marthe poussant des gémissements se releva seule. Les Saramacas