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XI



SOUS la pluie, retentit un cri d’oiseau comme un ricanement ; puis, ce fut, sur un ton vif et mécontent, le mot nettement articulé :

— Voyons… voyons.

Delorme s’arrêta, montrant sur le monbin qui dominait la crique l’oiseau que les créoles appellent « l’oiseau-voyons » et dont le rôle, dans la brousse, est d’avertir le gibier poursuivi.

Presque aussitôt, le tigre déboucha du sentier, rugit, revint sur ses pas, et fit un large détour pour surprendre l’agouti dépisté par sa manœuvre.

L’oiseau-voyons hurla à nouveau son avertissement. L’agouti, les oreilles dressées au signal, détala dans la direction opposée au rugissement du tigre et vint donner dans les griffes du chasseur déjà embusqué à l’extrémité du sentier.

Un cri de lapin égorgé… le cougouar parut à deux mètres de nous, secouant l’agouti dans sa gueule. Il s’arrêta, interdit. Un filet de sang ruisselait des babines qui reniflaient vers nous. Il fixa nos regards, s’assurant de nos intentions et passa lentement à la fois comme un chasseur orgueilleux et comme un chat domestique, silencieux, rampant et dédaigneux.

Delorme riait.