Page:Galmot - Un mort vivait parmi nous, 1922.djvu/75

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Il se contraignit à sourire et chercha un appui ou une approbation dans le regard de Marcellin. Le créole, assis dans un rocking-chair, se balançait avec une indifférence affectée, comme si la visite de l’ombre vivante était pour lui un événement familier.

Delorme se détourna de lui. Ses tempes battaient avec violence. Il allait et venait à grands pas, résolu à fuir, et retenu par une force qui le maintenait malgré lui. Il était comme une bête traquée.

— Dois-je comprendre, dit-il enfin, s’adressant au fantôme, que toi seul as ta raison et que, seul parmi les hommes de ce camp devenus fous, tu peux encore vivre librement ?

— …

— Mes yeux se sont ouverts… Hier, absorbé par le travail du chantier, j’étais comme une bête de somme… Une grande émotion a éveillé en moi une obscure conscience… Il me semble maintenant que, depuis l’arrivée de Marthe, je t’ai souvent parlé… peut-être ne m’entendais-tu pas… Qu’est-ce qui t’attire ici ?

Le fantôme rejeta en arrière son visage translucide ; un court frémissement fit trembler son manteau.

— Qu’est-ce qui t’attire ici, reprit l’ingénieur ; de quel pays de rêve viens-tu ?