Page:Galmot - Un mort vivait parmi nous, 1922.djvu/96

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leurs pensées… Combien de siècles a-t-il fallu pour en arriver là ? Et cette drague qui vit, qui travaille… crois-tu qu’il lui faille longtemps pour acquérir la pauvre science que donne les yeux et les oreilles aux animaux et l’instinct aux plantes ?

Il faisait maintenant très calme. Pas un souffle de vent aux cimes des arbres. La drague, bercée par un remous invisible, écoutait avec orgueil lei voix qui lui venaient de tous les points de la jungle.

Elle savait désormais qu’elle était autre chose qu’une petite portion de matière inanimée, et que, sur cette terre merveilleuse, parmi le peuple de la vie animale, elle pouvait, sans combattre ni souffrir, atteindre au premier rang. Des voix lui arrivaient qu’elle croyait n’avoir jamais entendues auparavant ; le lourd aboiement du maipouri, le cri strident de la loutre venant de plusieurs milles au loin, le hululement assourdi des vautours cachés dans les palmiers, le meuglement des cerfs. Elle entendait le craquement des pieds des bêtes inconnues, le glissement des singes, et d’étranges chuchotements dans les feuilles. Tous lui disaient qu’une âme vivait en elle et que la mort n’était qu’un état passager…

Un immense vautour noir, dont les ailes avaient des taches grises aux extrémités, s’abattit sur son toit de zinc avec un bruit de ferraille et répandit