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IX

l’on est presque tenté de supposer que Galois avait tout au moins pressenti certaines notions sur les fonctions d’une variable complexe, qui ne devaient être développées que plusieurs années après sa mort. Les énoncés sont précis ; l’illustre auteur fait la classification en trois espèces des intégrales abéliennes, et affirme que, si désigne le nombre des intégrales de première espèce linéairement indépendantes, les périodes seront en nombre . Le théorème relatif à l’inversion du paramètre et de l’argument dans les intégrales de troisième espèce est nettement indiqué, ainsi que les relations entre les périodes des intégrales abéliennes ; Galois parle aussi d’une généralisation de l’équation classique de Legendre, où figurent les périodes des intégrales elliptiques, généralisation qui l’avait probablement conduit aux importantes relations découvertes depuis par Weierstrass et par M. Fuchs. Nous en avons dit assez pour montrer l’étendue des découvertes de Galois en Analyse ; si quelques années de plus lui avaient été données pour développer ses idées dans cette direction, il aurait été le glorieux continuateur d’Abel et aurait édifié, dans ses parties essentielles, la théorie des fonctions algébriques d’une variable telle que nous la connaissons aujourd’hui. Les méditations de Galois portèrent encore plus loin ; il termine sa lettre en parlant de l’application à l’Analyse transcendante de la théorie de l’ambiguïté. On devine à peu près ce qu’il entend par là, et sur ce terrain qui, comme il le dit, est immense, il reste encore aujourd’hui bien des découvertes à faire.

Ce n’est pas sans émotion que l’on achève la lecture du testament scientifique de ce jeune homme de vingt ans, écrit la veille du jour où il devait disparaître dans une obscure querelle. Sa mort fut pour la Science une perte immense ; l’influence de Galois, s’il eût vécu, aurait grandement mo-