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PRÉLIMINAIRE.

les événemens qui ont signalé sa naissance et ses progrès, et de me complaire dans la relation des faits qui l’honorent, je ne trouverais de voix que pour gémir sur son tombeau. Je me couvrirais la tête pour ne pas voir agoniser ma patrie, expirer ma race. Non, homme d’espérance, l’on n’entendra jamais ma voix prédire le malheur ; homme de mon pays, l’on ne me verra jamais, par crainte ou par intérêt, calculer sur sa ruine supposée pour abandonner sa cause.

Mais, dans le vrai, cette existence du peuple canadien n’est pas plus douteuse aujourd’hui, qu’elle ne l’a été à aucune époque de son histoire. Sa destinée est de lutter sans cesse, tantôt contre les barbares qui couvrent l’Amérique, tantôt contre une autre race qui, jetée en plus grand nombre que lui, dans ce continent, y a acquis depuis longtemps une prépondérance, qui n’a plus rien à craindre. Mais qui peut dire que ces luttes aient retardé essentiellement sa marche ? C’est pendant celle dont « on craint les plus funestes résultats, que son extension a pris les plus grands développemens. Dans les 152 ans de la domination française, la population du Canada n’a atteint que le chiffre de 80,000 ames environ, tandis que dans les 83 ans de la domination anglaise, ce chiffre s’est élevé à plus de 500,000, et le pays s’est établi