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HISTOIRE DU CANADA.

de l’autre à se concilier le clergé catholique et son évêque qui avait une grande influence sur le peuple. Le gouverneur revenant sur la question, transmit à lord Bathurst un aperçu de l’état des partis dans le pays et lui marqua l’embarras où il se trouvait placé entre ses instructions et la situation des esprits. Il déclara qu’il était impossible de se faire une idée de l’impopularité du juge Sewell ; que d’après les informations qu’il avait reçues et les siennes propres dans un voyage qu’il avait fait dans la province, il trouvait que toutes les classes lui étaient hostiles, même dans les coins les plus reculés du pays ; que cette hostilité fût le fruit des artifices et des calomnies des démagogues ou de la haine personnelle, peu importait ; elle existait depuis longtemps, et elle avait acquis une nouvelle violence du triomphe apparent de ce juge ; qu’elle était non seulement partagée par le peuple, mais par le clergé catholique lui-même, qui soutenait à toute force qu’elle était bien fondée. Que si l’influence du clergé sur les laïcs était grande sur différentes questions, sa seigneurie pouvait juger de ce qu’elle était lorsqu’elle servait pour un objet dans lequel le peuple croyait ses intérêts les plus chers engagés, contre un homme qu’il regardait malheureusement comme ayant outragé ses sentimens religieux et sa loyauté ; que le clergé recevait une double force dans le cas actuel de l’effet combiné des préjugés politiques et religieux et que l’on pouvait se faire facilement une idée de la haine que cet homme leur avait inspirée.

Le gouverneur assurait qu’il était persuadé que s’il avait été dans les vues du gouvernement d’entendre les deux parties sur les accusations portées contre ce juge, quand bien même la décision eût été ce qu’elle avait été, elle aurait contribué à la paix, parce qu’elle aurait ôté au parti hostile à l’accusé un prétexte de plainte, prétexte qui intéresse toujours le peuple, et que dans le cas actuel la présence de l’accusé en Angleterre avait rendu plus plausible, vu surtout que le gouvernement n’avait voulu entendre que lui seul ; et il osait dire que c’était là la raison qui avait fait passer les résolutions pour lesquelles l’assemblée avait été dissoute.

Après avoir recommandé de le mettre à la retraite, il ajoutait qu’il lui donnerait, conformément à ses instructions, tout son appui quelle qu’injuste que fut l’hostilité du barreau et de la chaire