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HISTOIRE DU CANADA.

et sans passion ; mais qu’il devait déclarer d’avance que la liste civile qu’il avait demandée était la condition sine qua non, et que tant qu’elle ne serait pas votée, on ne pourrait attendre aucune harmonie entre les trois branches de la législature, prévision qu’il pouvait faire avec d’autant plus d’assurance qu’il était maître de deux. La chambre était décidée à ne pas abandonner la position qu’elle avait prise, laquelle lui permettait de battre en brèche tout le système oligarchique qu’elle voulait à tout prix renverser avant de poser les armes. Cependant elle ne voulait pas accueillir la demande du gouverneur par un refus soudain et absolu et elle cherchait à l’ajourner, lorsque M. Taschereau, devenu partisan de l’administration, en proposa tout à coup l’acceptation pour faire disparaître tous les doutes. Le bureau colonial en était rendu au point où il lui fallait des moyens prompts et décisifs. Cinq membres seulement votèrent pour la proposition ; trente et un contre. Dans un gouvernement vraiment constitutionnel une pareille division sur une matière d’argent eût réglé la question d’une manière définitive. La chambre crut devoir expliquer les motifs de son vote, qui étaient fondés principalement sur les considérations que nous avons développées plus haut, et conformes à l’offre faite en 1810 et acceptée par le roi en 1818. Ces explications furent incorporées dans une adresse à George iv, que lord Dalhousie promit de transmettre en Angleterre. En même temps la chambre nomma M. Joseph Marryat, membre des communes, pour veiller aux intérêts de la colonie au siège de l’empire, et pour communiquer avec les ministres sur toutes les questions qui auraient rapport au Canada, sur lesquelles on lui envoya des instructions très volumineuses.

Le conseil redoutant l’effet de la démarche de l’assemblée, s’empressa de déclarer qu’en nommant M. Marryat sans le concours des autres branches de la législature, elle s’arrogeait un pouvoir dangereux ; que c’était nommer aux emplois en violation directe de la prérogative royale, et renverser ou chercher à renverser la constitution. Marryat en apprenant ce qui s’était passé, refusa la commission de la chambre sous prétexte que sa nomination ne pouvait être constitutionnelle, si elle n’était pas reconnue du gouvernement et approuvée de la seconde branche de la législature. L’assemblée persistant dans la voie qu’elle s’était tracée,