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HISTOIRE DU CANADA.

que jamais. Beaucoup de personnes espéraient que la politique métropolitaine allait changer et qu’il y aurait plus de justice et d’impartialité pour la population française ; que les abus et les défectuosités de l’administration seraient corrigés et qu’enfin tous les moyens seraient pris pour rétablir l’harmonie et la concorde entre les trois grands pouvoirs de l’état. Mais c’était une illusion. Les ministres ne voulaient faire aucune réforme, aucune concession réelle. La minorité anglaise conserverait toujours tous les départemens de l’exécutif et, au moyen des deux conseils, un pouvoir législatif égal à la majorité française représentée par l’assemblée, et entre ces deux corps en opposition, ils comptaient exercer eux-mêmes le pouvoir comme ils l’entendaient par l’intermédiaire du gouverneur.

Sir James Kempt reçut des instructions particulières. Il devait dissimuler son rôle et paraître conserver une parfaite impartialité entre les deux partis, sans laisser abattre le conseil, qui servait de barrière contre les prétentions de la branche populaire. Il s’acquitta de cette tâche avec une grande adresse, et se retira lorsqu’il vit le moment arriver où de vaines paroles ne seraient plus suffisantes. En prenant les rênes du pouvoir, il porta les yeux sur la presse, dont les emportemens n’avaient plus de bornes, la presse officielle surtout. Plus réservée dans tous les pays que celle de l’opposition, elle l’était d’autant moins en Canada qu’elle paraissait inspirée et payée par le pouvoir. Sir James Kempt donna ses ordres et son ton devint bientôt plus modéré. Il fit abandonner aussi les procès politiques qu’avait ordonnés son prédécesseur, en en faisant rapport aux ministres, suivant ses instructions. La presse libérale écoutant les conseils des agens revenus de Londres et les chefs de l’assemblée se turent aussi. Le parlement anglais et le ministère, disait le Spectateur, ont montré pour les habitans de ce pays de la bienveillance, de la justice et de la conciliation, et nous devons les imiter. Il n’y eut que la presse anglaise de Montréal qui, moins soumise au contrôle immédiat de l’exécutif, et moins initiée aux secrets du château, voulût persister dans son intempérance de langage, dont l’excès du reste portait son contrepoison avec lui aux yeux des hommes calmes et sensés.

Tout le monde attendait avec impatience l’ouverture des