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HISTOIRE DU CANADA.

et témoigna de sa fidélité à la royauté par de nombreuses adresses qui durent rassurer l’inquiétude métropolitaine. Cet état de choses dura plusieurs années. À chaque session, le gouvernement demandait et obtenait de nouveaux pouvoirs pour organiser une milice soumise, pour maintenir la tranquillité intérieure, pour repousser les ennemis extérieurs s’ils s’en présentaient, enfin pour continuer la suspension de l’acte d’habeas-corpus à l’égard des étrangers. Il est inutile de dire que pendant ce temps là la plus grande concorde régnait entre les différentes branches de la législature. Plusieurs des membres les plus marquans avaient reçu des emplois, comme M. Panet et M. de Bonne. Les autres satisfaits, se félicitaient du repos dont l’on jouissait en comparaison de l’Europe et ne songeaient qu’à en profiter.

Dans la session de 95 qui dura plus de quatre mois, le gouverneur fit mettre devant la chambre un état des revenus de l’année écoulée et les comptes d’une partie des dépenses du gouvernement civil, en la priant d’y pourvoir. Pour répondre à cette demande et couvrir la différence qu’il y avait entre la dépense et le revenu, la chambre passa deux lois d’impôt, l’une augmentant les droits sur les eaux-de-vie étrangères, les mélasses, les sirops, les sucres, le café, le tabac, le sel ; l’autre continuant la taxe annuelle sur les colporteurs et les aubergistes. Cette augmentation ne répondit pas immédiatement au besoin qui l’avait fait décréter ; mais l’on avait reconnu le principe. La plupart des actes qu’on passa dans cette session continuaient d’anciennes lois avec de légères modifications, et ne les continuaient que pour un temps limité, car l’assemblée avait déjà pour règle de leur donner la plus courte durée possible, afin que le gouvernement fût moins indépendant d’elle.

Une question incidente fort intéressante occupa un instant la législature. Le taux des rentes et les charges seigneuriales avaient été fixés d’une manière précise et permanente par la loi sous l’ancien régime. Après la conquête, plusieurs Anglais qui avaient acheté les seigneuries des Canadiens partant pour la France, haussèrent ces taux et furent imités par quelques uns des anciens seigneurs. Bientôt l’abus fut poussé à tel point qu’il arracha des plaintes aux habitans, qui ne trouvaient plus dans les juges nommés par le nouveau gouvernement, la protection qu’ils