Page:Garneau - Histoire du Canada depuis sa découverte jusqu'à nos jours, tome IV, 1852.djvu/282

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
286
HISTOIRE DU CANADA

sique. Le mensonge ne remplace pas la vérité sans combat, et la lutte constitue en morale ce que l’on appelle la conscience. Malgré leur beau langage, les ministres n’étaient pas encore assez simples pour croire que l’on prendrait au pied de la lettre ce qu’ils disaient, et ils savaient bien que les Canadiens s’opposeraient au mal réel qu’on voulait leur faire sous des prétextes spécieux et le prestige des maximes libérales les plus avancées.

Les troubles qui venaient d’avoir lieu dans un pays dont les annales avaient été jusque là pures de toute révolte, firent sensation non seulement en Angleterre, mais aux États-Unis et en France. En Angleterre aux premières nouvelles, on prit des mesures pour envoyer des renforts de troupes. Aux États-Unis, le gouvernement avait de la peine à retenir les citoyens qui se portaient par centaines sous les drapeaux de MacKenzie, et qui continuèrent tout l’hiver à inquiéter le Haut-Canada. En France où le Canada était si profondément oublié, on se demandait ce que c’était, et on se rappela en effet qu’on y avait eu des frères autrefois. On tourna les yeux vers nous, et un journal républicain parlait déjà de la formation d’une légion auxiliaire, pour venir à notre aide. La gazette de France plus grave, observait : « Là encore, nous retrouvons l’Irlande opprimée, soumise au joug arbitraire de la conquête, opprimée dans ses croyances, nominalement unie, mais séparée par une choquante inégalité politique… On a cru que la conquête pouvait faire des nationalités au gré d’une diplomatie sans entrailles, que la terre pouvait se diviser comme une pièce d’étoffe et les peuples se partager comme des troupeaux ; parceque l’invasion et les combats ont livré un territoire et une population au vainqueur, celui-ci s’est cru en droit de se les approprier, de leur imposer ses lois, sa religion, ses usages, son langage ; de refaire par la contrainte toute l’éducation, toute l’existence d’un peuple, et de le forcer jusque dans ce qu’il y a de plus sacré parmi les hommes, le sanctuaire inviolable de la conscience… De quoi s’agit-il en effet à Québec et à Montréal. Du vote de l’impôt, du droit commun, de la représentation de ces principes de nationalité que les émigrans français au nord de l’Amérique ont transportés avec eux, de même qu’Énée, selon la fable, emporta avec lui ses dieux, les mœurs d’Illion et ses pénates…