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HISTOIRE DU CANADA.

été divisées en townships, et on avait donné aux nouvelles divisions des noms anglais, chose indifférente en elle-même en apparence, et qui cependant contribuait à en éloigner les cultivateurs canadiens, qui n’en comprenaient pas bien la tenure avec le système de quit-rents qui y était attaché. Ces entraves artificielles dépassèrent le but. Des Canadiens, surtout des Américains pénétrèrent dans les forêts, de la rive droite du St.-Laurent, près de la frontière des États-Unis, et s’y choisirent des fermes sur lesquelles ils s’établirent sans titre. Le gouverneur auquel ces derniers s’étaient plaints de la conduite du bureau, transmit dès la première année de son administration, une dépêche à Londres dans laquelle il blâmait tout le système comme contraire à l’honneur et à l’intérêt de l’empire, et comme nul sous le rapport fiscal, puisqu’il ne produisait rien. Il embrassa avec chaleur surtout la cause de ces émigrés qu’on nommait loyalistes dès qu’ils mettaient le pied sur le territoire canadien. Ses représentations firent effet. Il revint d’Angleterre en 98 des instructions fort amples pour rémédier au mal qu’il avait signalé, et qui déplurent extrêmement au bureau des terres. De là la brouille de ce bureau avec le gouverneur et du gouverneur avec le conseil exécutif, l’âme et le nerf de l’oligarchie qui commençait à peser de tout son poids sur le pays, et qui se crut obligé de soutenir en cette circonstance un département formé de ses principaux membres. Il s’était déjà établi une communauté d’opinions et d’intérêts entre les fonctionnaires publics et la majorité de ce conseil, communauté qui a fini ensuite par maîtriser complètement la marche de l’administration en s’emparant de l’esprit des gouverneurs et en influençant continuellement les ministres, dont cette oligarchie employait toute son habileté à nourrir les craintes et les antipathies nationales contre la masse de la population. Le conseil exécutif, qui avait ignoré jusque là la dépêche du gouverneur, se tint pour offensé par son silence ; il fut froid d’abord à son égard et ensuite il lui fit une opposition ouverte et redoutable sous la direction de son président, M. Osgoode, fils naturel de George ii, dit-on, qui avait des talens, et ce qui était mieux dans la circonstance des amis puissans à la cour. Entraîné par ses inspirations, le conseil refusa de publier les nouvelles instructions et compléta ainsi la rupture entre ces deux hommes. L’Angleterre, pour éviter