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HISTOIRE DU CANADA.

de la maxime constitutionnelle, il était bien certain que le gouverneur qui n’était ici que depuis si peu de temps ne pouvait connaître les dispositions des habitans que sur les informations qu’on lui en donnait ; que quoiqu’il ne fût pas un de ceux qui avaient eu le plus d’occasion de le connaître, il était intimement persuadé qu’il ne désirait rien que le bien public ; que quoiqu’il n’y eût pas ici de ministère établi en titre d’office, il n’en était pas moins vrai qu’il n’y eût réellement des ministres, c’est-à-dire des personnes d’après les informations desquelles le gouverneur se déterminait ; que lorsqu’il deviendrait nécessaire de connaître ces ministres, la chambre en trouverait bien le moyen ; qu’il savait bien que les ministres aiment toujours mieux se tenir cachés ; qu’ils n’avaient pas toujours été connus en Angleterre comme ils le sont aujourd’hui ; mais que c’était l’affaire du bon exercice des pouvoirs constitutionnels de les obliger de paraître.

L’orateur dans ce discours remarquable où il exposait un système octroyé formellement au Canada quarante ans après, fut regardé comme l’apôtre d’une idée révolutionnaire, et accusé par ceux qui formaient les entourages du château, de propager des doctrines funestes qu’il fallait se hâter de bannir si l’on voulait éviter les séditions. Les fonctionnaires et la classe d’où on les tirait poussèrent les hauts cris en entendant proclamer le système responsable.

Le juge de Bonne, l’organe du château, s’éleva contre la doctrine de M. Bedard, et chercha à persuader que l’admettre serait avilir l’autorité royale et celui qui en était chargé ; qu’il ne fallait pas agiter de pareilles questions dans un moment où l’attitude des États-Unis était menaçante ; que ce serait montrer des symptômes de division ; qu’il fallait se garder aussi de manifester de la jalousie contre les autres pouvoirs parceque ce serait justifier les allusions faites aux signes de rébellion dans le discours du gouverneur ; que l’agitation de ces questions paraîtrait telle en Angleterre et qu’elle affecterait les idées qu’on avait de la loyauté des Canadiens. L’orateur du reste ne faisait qu’exprimer ici des sentimens qu’il partageait en toute sincérité ; car rejeton d’ancienne noblesse, il avait dû recueillir et conserver comme un héritage inaliénable les anciennes traditions de ses pères, et regarder l’autorité absolue des rois comme hors des