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HISTOIRE DU CANADA.

d’avoir lieu fut répandue. Ou passa trois jours à examiner les papiers saisis à l’imprimerie du Canadien, au bout desquels le conseil s’assembla de nouveau. C’étaient le gouverneur, le juge Sewell, l’évêque protestant et MM. Dunn, Baby, Young, Williams et Irvine. On y lut les dépositions de M. Lefrançois, arrêté sous accusation de haute trahison, et de quatre autres personnes ayant des rapports avec l’imprimerie. Le gouverneur communiqua un numéro de la feuille, tiré en présence du magistrat Mure, de la presse qu’on transporta au bureau des juges de paix.

Trois articles de cette feuille servaient de prétexte à ce petit coup d’état ; mais celui surtout qui portait ce titre singulier : « Prenez-vous par le bout du nez. » C’était une récapitulation abrégée de quelques faits passés dans le pays depuis la conquête, et qui se terminait par des observations qui n’avaient que le défaut de respirer un amour exagéré de la constitution anglaise. Dans ces articles, comme dans tous les autres, il n’y avait rien qu’on pût traduire en trahison ce qui fût de nature à troubler l’assiette d’un gouvernement tel que celui d’Angleterre. L’on s’étonne aujourd’hui en les lisant des frayeurs et de l’irritation qu’ils aient pu causer, ou plutôt l’on voit trop que ce n’était qu’un prétexte.

Après avoir ordonné l’entrée au long dans son procès-verbal de l’article dont nous venons de donner le litre, comme pour mieux montrer à l’histoire la passion ou la bassesse de ses membres, le conseil ordonna l’arrestation de MM. Bedard, Taschereau et Blanchet.[1]

L’ordre fut en même temps transmis à Montréal d’arrêter MM. Laforce, Papineau (de Chambly,) Corbeil (de l’Île Jésus,) et des mandats furent décernés ou projetés contre MM. D.B. Viger, Joseph Blanchet et plusieurs autres citoyens notables de Montréal, sans être mis cependant à exécution.

On ne s’arrêta pas encore là. Pour frapper davantage l’imagination populaire et faire croire que la société dormait sur un abîme prêt à s’ouvrir sous ses pas, le gouverneur adressa une longue proclamation au peuple, écrite dans un style qui annonçait une intime conviction de la réalité du danger, ou une dissimulation non moins profonde. Mais le caractère de l’homme, la faiblesse

  1. Procès-verbal du conseil exécutif du 19 mars 1810.