Page:Garnir - À la Boule plate.djvu/48

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qu’elle. Un leitmotiv revenait dans cette composition : « Répondez, qu’est-ce que vous avez à dire ?… » Mais ce n’était qu’une feinte de virtuose : la musique reprenait, magistrale, avant qu’Adla-Hitt eût le temps d’ouvrir la bouche. Graduellement, au souvenir de tous les méfaits domestiques d’Adla-Hitt, Rose s’échauffait. Le registre changea : ce fut un soprano haletant. Le flot musical, devenu torrent, charriait, telles des épaves, des accusations exterminatrices : un riz au lait accommodé au sel, une aiguière cassée et bêtement recollée par dessous, avec du papier gris ; puis le thème de douleur reprit : « Ça n’était plus possibel de viver comme ça : dites-moi un peu qu’est-ce que vous avez fait hier, ma file, quand Monsieur vous a envoyé, rue du Midi, porter des cigarettes Laferme ?… »

Ici, Charles n’eut que le temps d’arrêter, en plaçant sa main sur la bouche d’Odon, deux mots irrévérencieux, deux mots plutôt grossiers qui, lancés du haut de l’escalier, eussent décontenancé Rose et, en lui découvrant qu’elle avait des auditeurs, cachés autant qu’attentifs, eussent inévitablement mis fin à la fête.

Rose repartait : on devinait ses bras croisés, sa nuque penchée vers la patiente, ses yeux ardents, ses sourcils froncés. Le poème devint bilingue : « N’êtes-vous pas z-honteuse, ma file ? Zijt ge nie beschond ?