Page:Garnir - Le Commandant Gardedieu, 1930.djvu/75

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de sa famille à Mons remonte au temps où le Bon Dieu n’était pas encore venu au monde. Le fait est que, nulle part comme dans sa maison, on n’a conservé le culte des us et coutumes d’autrefois. On ne les garde pas seulement avec piété, on les garde avec entêtement. Il y a du reste, pour cela, chez Hégry, un gardien vigilant : c’est la servante Gélique, octogénaire comme son maître, dont elle est la sœur de lait. Rien ne se fait sans sa permission dans la vieille maison où elle a passé sa vie. Petite et encore preste, avec un nez comique à force d’être petit, les joues luisantes et rouges comme une artoile de goutteux, des cheveux encore bruns, bien aplatis sur les tempes, qui n’ont jamais connu que la cendrinette, toujours propre et « nette comme busquette », on dirait d’une marionnette repeinte à neuf tous les matins.

On ne manque jamais, quand Hégry est là, de mettre la conversation sur Gélique. Il ne déteste pas, au contraire, de s’étendre sur le pittoresque de ses habitudes ; il dit comment Gélique mesure, sur les grains de son chapelet, le temps de cuisson des œufs ; comment Gélique « abroque » encore les tonnes à la cave ; comment, ne sachant ni lire ni écrire, Gélique fait ses comptes de ménage, sans jamais se tromper, avec des marques à la craie