Page:Gaskell - Cousine Phillis.djvu/59

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— Non, répondit-elle après avoir pris le temps de la réflexion. Non, je crois que cela ne se doit pas. C’est égal, je vous remercie de l’intention. Maintenant allez-vous-en. J’ai le gâteau à préparer pour demain dimanche.

— Ne puis-je rester et vous aider ?

— M’aider ? je ne pense pas. Restez, pourtant, je le veux bien. Vous avoir là ne me déplaît point. »

Cet aveu dépouillé d’artifice me flattait d’une part, et de l’autre il me contrariait quelque peu. J’étais charmé que ma société fût agréable à Phillis ; mais, avec la coquetterie de mon âge, j’aurais bien voulu me poser en amoureux, et j’étais assez avisé pour comprendre que vis-à-vis d’un amoureux elle ne se serait pas exprimée avec autant d’abandon.

Il fallut se consoler, comme le renard du fabuliste, en trouvant les raisins trop verts. Que faire d’une grande fille en tablier à manches, ayant la tête de plus que moi, lisant des ouvrages dont je n’avais jamais ouï parler, et s’y intéressant plus qu’à n’importe quelle créature de mon sexe ?

À partir de ce moment, je cessai de regarder Phillis, dans le secret de mes pensées, comme la reine future de mon cœur et de ma vie ; mais nous n’en fûmes que meilleurs amis, par cela même que cette préoccupation gênante se trouvait à jamais supprimée.

Le même soir, quand le ministre revint de sa tournée pastorale, il était assez mécontent. Presque tous ses paroissiens, plus soucieux de leurs affaires temporelles que de leur salut, s’étaient trouvés hors de chez eux. Quant aux paroissiennes, elles avaient profité de la visite du pasteur pour arborer leurs plus beaux atours.

« Comme s’il fallait tant de broderies et d’affiquets pour écouter la parole sainte ! grommelait M. Holman.