Page:Gaskell Craik - Trois histoires d amour.djvu/35

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Guillaume croit que vous ne feriez pas de cas de nous, si vous saviez tout. Je crois, moi, que vous ne pourrez pas vous empêcher de nous plaindre du chagrin que Dieu nous a envoyé ; voilà pourquoi j’ai mis mon chapeau, et je suis venue sans que mes garçons en sachent rien. Tout le monde parle de votre vertu : on dit que le Seigneur vous a gardée d’abandonner ses voies ; mais peut-être que vous n’avez jamais été tentée comme tant d’autres. Je dis peut-être trop crûment ce que je pense ; mais j’ai le cœur presque brisé, et je ne peux pas éplucher mes paroles comme les gens heureux. Eh bien ! je vais vous dire la vérité. Guillaume en a peur, mais je veux tout vous dire… Il faut que vous sachiez…

Mais ici la voix manqua à la pauvre femme, et elle restait à se balancer sur sa chaise, son triste regard fixé sur Suzanne, comme si elle eût voulu lui raconter ainsi la douloureuse histoire que ses lèvres tremblantes se refusaient à dire. Ces yeux désolés, fixes, arrachèrent des larmes à Suzanne ; et comme si la sympathie rendait des forces à la mère, elle reprit à demi-voix :

— J’avais une fille autrefois, ce que j’aimais le mieux au monde. Son père trouvait que je la gâtais et qu’elle se ferait du mal en restant à la maison ; il voulait l’envoyer chez des étrangers pour