Page:Gaston Phoebus - Le Livre des oraisons, 1893.djvu/20

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 6 —

II

Magna est misericordia Domini et magna est potestas ejus. Quia nullus est qui speret firmiter in eo quem ipse dimittat in aliquo errore. Domine pro me scio hoc ego cui existenti peccatori graviter consilium præbuisti tuâ pietate. Loco illo in quo nullum videbant consilium : Vino, dicebant, iste perdetur. In tuâ pietate me eripuisti et eruisti a magnis tribulationibus. Domine mi, furor faciei tuæ contra gentes est versus et non est sine causâ. Domine, si placet tibi non sumus nos duo devapulati. Gentes sunt minus quam bestiæ que vident vindictam Dei et nolunt videre vino faciunt cot hidie pejus. Verumptamen non est mirandum quia diabolus cujus ipsi faciunt opera execat, exordescit et obmutuit eos. Ordines prelati et alii in vestimentis bonis peiores sunt quam alie gentes. Domine, postquam tam maximum malum est venturum, misericorditer te deprecor ut miserearis mei et illius secundum tuam misericordiam tam magnam.


II

Elle est grande, la miséricorde de Dieu, et grande est sa puissance. Car, il n’y a personne espérant fermement en lui qu’il abandonne en quelque égarement que ce soit. Je sais cela par moi-même, Seigneur, à qui, dans mon grave état de péché, votre pitié est venue grandement en aide. De celui en qui l’on ne voyait aucune raison, on disait : Le vin le perdra. Dans votre miséricorde vous m’avez préservé et m’avez tiré de grandes tribulations. Mon Seigneur, la fureur de votre visage s’est tournée contre les nations et ce n’est pas sans cause. Seigneur, s’il vous plait, nous ne sommes pas, nous deux[1], intempérants. Les gens sont moins que les bêtes ; voyant la vengeance de Dieu et ne voulant pas la reconnaître, ils font, chaque jour, pire que le vin. Il n’y a donc pas lieu de s’étonner que le diable, dont ils font les œuvres, les aveugle, les abaisse et les rende muets. Ceux d’un rang élevé, ceux bien vêtus, sont pire que les autres. Seigneur, puisque un mal si grand doit venir, je vous supplie humblement d’avoir pitié de moi et de lui, selon votre infinie miséricorde. Car, si vous regardez à nos actes, nos âmes seront

  1. Allusion à son fils Allain qu’il ne nomme jamais mais qu’il rappelle souvent.