Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/114

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maître ; la salle à manger était une vaste pièce au rez-de-chaussée donnant sur la cour, d’un style noble et sévère, qui tenait à la fois du manoir et de l’abbaye : ― des boiseries de chêne brun d’un ton chaud et riche, divisées en panneaux et en compartiments symétriques, montaient jusqu’au plafond, où des poutres en saillie et sculptées formaient des caissons hexagones coloriés en bleu et ornés de légères arabesques d’or ; dans les panneaux longs de la boiserie Philippe Rousseau avait peint les quatre saisons symbolisées, non pas par des figures mythologiques, mais par des trophées de nature morte composés de productions se rapportant à chaque époque de l’année ; des chasses de Jadin faisaient pendant aux natures mortes de Ph. Rousseau, et au-dessus de chaque peintre rayonnait, comme un disque de bouclier, un immense plat de Bernard Palissy ou de Léonard de Limoges, de porcelaine du Japon, de majolique ou de poterie arabe, au vernis irisé par toutes les couleurs du prisme ; des massacres de cerfs, des cornes d’aurochs alternaient avec les faïences, et, aux deux bouts de la salle, de grands dressoirs, hauts comme des retables d’églises espagnoles, élevaient leur architecture ouvragée et sculptée d’ornements à rivaliser avec les plus beaux ouvrages de Berruguete, de Cornejo Duque et de Verbruggen ; sur leurs rayons à crémaillère brillaient confusément l’antique argenterie de