Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/127

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d’Octave de Saville, ― le malheureux dépossédé n’en avait pas d’autres à sa disposition. Cela produisit un effet bizarre à l’usurpateur de l’entité d’Olaf Labinski de décacheter une missive scellée de ses armes, mais tout devait être singulier dans cette position anormale.

La lettre contenait les lignes suivantes, tracées d’une main contrainte et d’une écriture qui semblait contrefaite, car Olaf n’avait pas l’habitude d’écrire avec les doigts d’Octave :

« Lue par tout autre que par vous, cette lettre paraîtrait datée des Petites-Maisons, mais vous me comprendrez. Un concours inexplicable de circonstances fatales, qui ne se sont peut-être jamais produites depuis que la terre tourne autour du soleil, me force à une action que nul homme n’a faite. Je m’écris à moi-même et mets sur cette adresse un nom qui est le mien, un nom que vous m’avez volé avec ma personne. De quelles machinations ténébreuses suis-je victime, dans quel cercle d’illusions infernales ai-je mis le pied, je l’ignore ; ― vous le savez, sans doute. Ce secret, si vous n’êtes point un lâche, le canon de mon pistolet ou la pointe de mon épée vous le demandera sur un terrain où tout homme honorable ou infâme répond aux questions qu’on lui pose ; il faut que demain l’un de nous ait cessé de voir la lumière du ciel. Ce large univers est maintenant trop étroit pour nous deux : ― je tuerai mon corps