Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/189

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entr’ouvrir la claire-voie ; ses cheveux s’entortillaient toujours en boucles indomptables ; elle n’avait, comme la première fois, pour tout costume qu’une chemise de grosse toile brodée aux manches et au col d’agréments en fil de couleur et qu’un jupon en étoffe épaisse et bariolée transversalement, comme en portent les femmes de Procida ; ses jambes, nous devons l’avouer, étaient dénuées de bas, et elle posait à nu sur la poussière des pieds qu’eût admirés un sculpteur. Seulement un cordon noir soutenait sur sa poitrine un paquet de petites breloques de forme singulière en corne et en corail, sur lequel, à la visible satisfaction de Vicè, se fixa le regard de Paul.

Miss Alicia était sur la terrasse, le lieu de la maison où elle se tenait de préférence. Un hamac indien de coton rouge et blanc, orné de plumes d’oiseau, accroché à deux des colonnes qui supportaient le plafond de pampres, balançait la nonchalance de la jeune fille, enveloppée d’un léger peignoir de soie écrue de la Chine, dont elle fripait impitoyablement les garnitures tuyautées. Ses pieds, dont on apercevait la pointe à travers les mailles du hamac, étaient chaussées de pantoufles en fibres d’aloès, et ses beaux bras nus se recroisaient au-dessus de sa tête, dans l’attitude de la Cléopâtre antique, car, bien qu’on ne fût qu’au commencement de mai, il faisait déjà une chaleur extrême, et des milliers de