Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/219

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ciliabule tenu à la cuisine sous la présidence de Virgilio Falsacappa, attendait que Paul fût rentré pour mettre les barres de clôture à la porte. Nanella, l’autre fille, dont c’était le tour de veiller, avait prié sa compagne plus hardie de tenir sa place, ne voulant pas se rencontrer avec le forestiere soupçonné de jettature ; aussi Gelsomina était-elle sous les armes : un énorme paquet d’amulettes se hérissait sur sa poitrine, et cinq petites cornes de corail tremblaient au lieu de pampilles à la perle taillée de ses boucles d’oreilles ; sa main, repliée d’avance, tendait l’index et le petit doigt avec une correction que le révérend curé Andréa de Jorio, auteur de la Mimica degli antichi investigata nel gestire napoletano, eût assurément approuvée.

La brave Gelsomina, dissimulant sa main derrière un pli de sa jupe, présenta le flambeau à M. d’Aspremont, et dirigea sur lui un regard aigu, persistant, presque provocateur, d’une expression si singulière, que le jeune homme en baissa les yeux : circonstance qui parut faire beaucoup de plaisir à cette belle fille.

À la voir immobile et droite, allongeant le flambeau avec un geste de statue, le profil découpé par une ligne lumineuse, l’œil fixe et flamboyant, on eût dit la Némésis antique cherchant à déconcerter un coupable.

Lorsque le voyageur eut monté l’escalier et que le bruit de ses pas se fut éteint dans le si-