Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/222

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La lumière a ce privilège de dissiper le malaise causé par les visions nocturnes. Smarra, offusqué, s’enfuit en agitant ses ailes membraneuses, lorsque le jour tire ses flèches d’or dans la chambre par l’interstice des rideaux. — Le soleil brillait d’un éclat joyeux, le ciel était pur, et sur le bleu de la mer scintillaient des millions de paillettes : peu à peu Paul se rasséréna ; il oublia ses rêves fâcheux et les impressions bizarres de la veille, ou, s’il y pensait, c’était pour s’accuser d’extravagance.

Il alla faire un tour à Chiaja pour s’amuser du spectacle de la pétulance napolitaine : les marchands criaient leurs denrées sur des mélopées bizarres en dialecte populaire, inintelligible pour lui qui ne savait que l’italien, avec des gestes désordonnés et une furie d’action inconnue dans le Nord ; mais toutes les fois qu’il s’arrêtait près d’une boutique, le marchand prenait un air alarmé, murmurait quelque imprécation à mi-voix, et faisait le geste d’allonger les doigts comme s’il eût voulu le poignarder de l’auriculaire et de l’index ; les commères, plus hardies, l’accablaient d’injures et lui montraient le poing.