Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/226

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pareils à l’arc d’où vient de s’échapper la flèche mortelle ; la ride blanche de son front faisait penser à la cicatrice d’un coup de foudre, et dans ses cheveux rutilants paraissaient flamber des flammes infernales ; la pâleur marmoréenne de la peau donnait encore plus de relief à chaque trait de cette physionomie vraiment terrible.

Paul se fit peur à lui-même : il lui semblait que les effluves de ses yeux, renvoyés par le miroir, lui revenaient en dards empoisonnés : figurez-vous Méduse regardant sa tête horrible et charmante dans le fauve reflet d’un bouclier d’airain.

L’on nous objectera peut-être qu’il est difficile de croire qu’un jeune homme du monde, imbu de la science moderne, ayant vécu au milieu du scepticisme de la civilisation, ait pu prendre au sérieux un préjugé populaire, et s’imaginer être doué fatalement d’une malfaisance mystérieuse. Mais nous répondrons qu’il y a un magnétisme irrésistible dans la pensée générale, qui vous pénètre malgré vous, et contre lequel une volonté unique ne lutte pas toujours efficacement : tel arrive à Naples se moquant de la jettature, qui finit par se hérisser de précautions cornues et fuir avec terreur tout individu à l’œil suspect. Paul d’Aspremont se trouvait dans une position encore plus grave : — il avait lui-même le fascino, — et chacun l’évitait, ou faisait en sa présence les signes préservatifs recommandés par le si-