Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/238

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écoutez-moi, puisque vous n’avez plus le courage de m’envisager, et frémissez d’horreur. — Je pèse sept onces de plus qu’à mon départ d’Angleterre.

— Huit onces ! interrompit avec orgueil le commodore, qui soignait Alicia comme eût pu le faire la mère la plus tendre.

— Est-ce huit onces précisément ? Oncle terrible, vous voulez donc désenchanter à tout jamais M. d’Aspremont ? » fit Alicia en affectant un découragement moqueur.

Pendant que la jeune fille le provoquait par ces coquetteries, qu’elle ne se fût permises, même envers son fiancé, sans de graves motifs, M. d’Aspremont, en proie à son idée fixe et ne voulant pas nuire à miss Ward par son regard fatal, attachait ses yeux aux cornes talismaniques ou les laissait errer vaguement sur l’immense étendue bleue qu’on découvrait du haut de la terrasse.

Il se demandait s’il n’était pas de son devoir de fuir Alicia, dût-il passer pour un homme sans foi et sans honneur, et d’aller finir sa vie dans quelque île déserte où, du moins, sa jettature s’éteindrait faute d’un regard humain pour l’absorber.

« Je vois, dit Alicia continuant sa plaisanterie, ce qui vous rend si sombre et si sérieux ; l’époque de notre mariage est fixée à un mois ; et vous reculez à l’idée de devenir le mari d’une pauvre