Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/241

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comme nous l’avons dit, l’état sauvagement inculte du jardin.

Les deux jeunes gens se frayaient une route au milieu des massifs qui se rejoignaient aussitôt après leur passage. Alicia marchait devant et riait de voir Paul cinglé derrière elle par les branches de lauriers-roses qu’elle déplaçait. À peine avait-elle fait une vingtaine de pas, que la main verte d’un rameau, comme pour faire une espièglerie végétale, saisit et retint son chapeau de paille en l’élevant si haut, que Paul ne put le reprendre.

Heureusement, le feuillage était touffu, et le soleil jetait à peine quelques sequins d’or sur le sable à travers les interstices des ramures.

« Voici ma retraite favorite, » dit Alicia, en désignant à Paul un fragment de roche aux cassures pittoresques, que protégeait un fouillis d’orangers, de cédrats, de lentisques et de myrtes.

Elle s’assit dans une anfractuosité taillée en forme de siège, et fit signe à Paul de s’agenouiller devant elle sur l’épaisse mousse sèche qui tapissait le pied de la roche.

« Mettez vos deux mains dans les miennes et regardez-moi bien face. Dans un mois, je serai votre femme. Pourquoi vos yeux évitent-ils les miens ? »

En effet, Paul, revenu à ses rêveries de jettature, détournait la vue.

« Craignez-vous d’y lire une pensée contraire