Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/270

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frayant, ce spectre charmant drapé de mousseline et comptant des pétales de fleurs préoccupaient l’imagination de la jeune fille, un nuage de mélancolie flottait sur son beau front, et d’indéfinissables pressentiments l’effleuraient de leurs ailes noires.

Cette branche d’oranger qui secouait sur elle ses fleurs n’avait-elle pas aussi un sens funèbre ? les petites étoiles virginales ne devaient donc pas s’épanouir sous son voile de mariée ? Attristée et pensive, Alicia retira de ses lèvres la fleur qu’elle mordait ; la fleur était jaune et flétrie déjà…

L’heure de la visite de M. d’Aspremont approchait. Miss Ward fit un effort sur elle-même, rasséréna son visage, tourna du doigt les boucles de ses cheveux, rajusta les plis froissés de son écharpe de gaze, et reprit en main son livre pour se donner une contenance.

Paul entra, et miss Ward le reçut d’un air enjoué, ne voulant pas qu’il s’alarmât de la trouver couchée, car il n’eût pas manqué de se croire la cause de sa maladie. La scène qu’il venait d’avoir avec le comte Altavilla donnait à Paul une physionomie irritée et farouche qui fit faire à Vicè le signe conjurateur, mais le sourire affectueux d’Alicia eut bientôt dissipé le nuage.

« Vous n’êtes pas malade sérieusement, je l’espère, dit-il à miss Ward en s’asseyant près d’elle.