Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/323

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Un changement singulier avait eu lieu dans l’atmosphère ; de vagues teintes roses se mêlaient, par dégradations violettes, aux lueurs azurées de la lune ; le ciel s’éclaircissait sur les bords ; on eût dit que le jour allait paraître. Octavien tira sa montre ; elle marquait minuit. Craignant qu’elle ne fût arrêtée, il poussa le ressort de la répétition ; la sonnerie tinta douze fois : il était bien minuit, et cependant la clarté allait toujours augmentant, la lune se fondait dans l’azur de plus en plus lumineux ; le soleil se levait.

Alors Octavien, en qui toutes les idées de temps se brouillaient, put se convaincre qu’il se promenait non dans une Pompeï morte, froid cadavre de ville qu’on a tiré à demi de son linceul, mais dans une Pompeï vivante, jeune, intacte, sur laquelle n’avaient pas coulé les torrents de boue brûlante du Vésuve.

Un prodige inconcevable le reportait, lui, Français du dix-neuvième siècle, au temps de Titus, non en esprit, mais en réalité, ou faisait revenir à lui, du fond du passé, une ville détruite avec ses habitants disparus ; car un homme vêtu à l’antique venait de sortir d’une maison voisine.

Cet homme portait les cheveux courts et la barbe rasée, une tunique de couleur brune et un manteau grisâtre, dont les bouts étaient retroussés de manière à ne pas gêner sa marche ; il allait d’un pas rapide, presque cursif, et passa